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L'ÉCART FRAPPANT ENTRE LA PROMESSE ET LA RÉALITÉ
2014-01-24 02:04
 

      Tout dernièrement, S.E.M. Takashi KITAHARA, Ambassadeur du Japon au Sénégal a fait publier un article dans un quotidien local, en réponse à l'article de M. XIA Huang, Ambassadeur de Chine au Sénégal, critiquant la visite du Premier Ministre japonais Shinzo ABE au sanctuaire Yasukuni. En s'appuyant sur des faits de l'histoire, l'Ambassadeur XIA Huang a analysé point par point les arguments de son homologue japonais, pour dénoncer plus en profondeur les agissements récents de M. Shinzo ABE.

      Et voici le texte intégral :

      Tout dernièrement, mon collègue du Japon, S.E.M. l'Ambassadeur Takashi KITAHARA, a bien voulu me répondre au sujet de mon article intitulé « L'histoire ne s'oublie pas », publié par le « Soleil » dans l'édition du 8 janvier 2014. Je tiens à lui en remercier sincèrement. Comme dit bien un proverbe : « De la discussion jaillit la lumière ». Je voudrais partager ici avec les lectrices et les lecteurs davantage de faits pour que, forts d'une vision plus poussée de l'histoire, nous arrivions à porter une appréciation objective sur la réalité.

      Selon l'Ambassadeur Takashi KITAHARA, dans le sanctuaire Yasukuni « reposent les esprits de tous ceux qui sont tombés au champ d'honneur depuis 1853 ». Mais ce qu'il n'a pas dit, c'est qu'au Japon, la deuxième partie du 19ème siècle et la première partie du 20ème siècle ont été marquées par l'émergence et le ravage du militarisme et du colonialisme, et que la plus grande majorité de ces soldats ont payé de leur vie l'engagement aux successives guerres d'agression du Japon contre des pays asiatiques. S'agissait-il donc pour eux de champs d'honneur ? Loin d'être un site religieux banal, le sanctuaire Yasukuni a été en fait un outil spirituel manipulé par les militaristes japonais pendant la Seconde Guerre mondiale et demeure un symbole de l'agression et de la colonisation japonaises avec la vénération des 14 criminels de guerre de catégorie A condamnés à mort par le Tribunal de Tokyo. Le Premier Ministre Shinzo ABE devrait avoir une imagination outrancière en choisissant ce sanctuaire comme lieu de prédilection pour prononcer « le sermon de sa détermination à construire un monde où il n'y aura plus de guerre ». L'homme consciencieux reste bouche bée devant la ridiculité et l'aberration dont a témoigné M. Shinzo ABE dans cette décision. Pourtant, si on pousse un peu plus loin notre réflexion, ses agissements suivraient sans doute une certaine logique. Quand il prétend que la signification de « l'agression » reste à définir, M. Shinzo ABE ne ressent naturellement aucun complexe à se recueillir au sanctuaire Yasukuni : les panneaux d'exposition et les textes explicatifs qu'on y trouve, en dénaturant du fond en comble les faits de l'histoire, n'ont-ils pas dit que la « provocation » et l' « oppression » des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni étaient à l'origine de la Seconde Guerre mondiale, que c'était pour le Japon une guerre sainte pour la défense nationale, et que les agressions japonaises constituent une guerre de libération pour aider les pays asiatiques à s'affranchir du joug colonial ?

      L'Ambassadeur Takashi KITAHARA a aussi parlé de « la contribution du Japon à la communauté internationale » et surtout « de son engagement pour la paix ». Mais il n'a pas dit que M. Shinzo ABE, depuis son installation au fauteuil de Premier Ministre, recherchait par tous les moyens une voie permettant de modifier la Constitution pacifiste du Japon. Et le Vice-Premier Ministre Taro ASO a même déclaré en public le 29 juillet 2013 que le Japon, pour y parvenir, pourrait s'inspirer de l'approche retenue par les nazis pour avoir révisé la Constitution de Weimar. Ce qui est plus extravagant, le 9 mai 2013, M. Shinzo ABE s'est mis dans le cockpit d'un avion de chasse frappé du nombre 731 pour se faire photographier, tout souriant, le pouce levé. Pour tout homme rompu à l'histoire, ce chiffre est tristement célèbre, dont la seule pensée donnera le frisson. En fait, 731 est le numéro d'une unité secrète de l'armée japonaise, spécialisée dans la recherche et l'utilisation d'armes biologiques et chimiques. Déployée dans le Nord-Est de la Chine, tout au long de la guerre d'agression japonaise de 1931 à 1945, elle pratiquait des essais et expériences sur des prisonniers de guerre chinois, coréens et soviétiques tous vivants, faisant ainsi des milliers de victimes. En plus, après avoir eu recours massivement à l'arsenal chimique en Chine, l'armée japonaise, en débâcle totale en 1945, a jeté dans des rivières et enfoui dans le sol plus de 300 000 obus, ce qui constitue jusqu'aujourd'hui une menace réelle constante pour la vie et la sécurité des habitants dans les régions concernées. On ne peut ne pas s'interroger ainsi : en se faisant photographier dans cet avion de combat frappé du nombre 731, M. Shinzo ABE était-il guidé par l'ignorance ? Ou est-ce un flirt avec les ultra-nationalistes japonais ? En agissant ainsi, quel message veut-il envoyer aux peuples asiatiques victimes de l'agression japonaise ?

      Toujours selon l'Ambassadeur Takashi KITAHARA : « Le Japon considère ses relations bilatérales avec la Chine ». Mais il n'a pas évoqué les efforts considérables que la Partie chinoise avait déployés pour développer l'amitié sino-japonaise. Dans l'histoire moderne, le Japon s'est engagé progressivement sur une voie de militarisme et a infligé à maintes reprises des souffrances indicibles à la Chine, à la Corée et à d'autres pays voisins. Rien qu'entre 1931 et 1945, l'agression japonaise contre la Chine a fait 35 millions de morts et de blessés et causé des pertes directes et indirectes qui s'étaient chiffrées à 600 milliards de dollars américains. Le Japon étant un pays voisin, la Chine est disposée à développer avec son peuple des relations d'amitié et de bon voisinage dans des conditions normales. En 1972, à l'occasion de la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays, les dirigeants chinois ont pris une décision importante pour renoncer aux réparations de guerre. Si nous avons agi ainsi, c'est parce qu'à notre avis, la responsabilité de la guerre d'agression contre la Chine revient à un petit groupe de militaristes, et non au peuple japonais, qui en a aussi souffert. Mais aujourd'hui, les relations sino-japonaises sont gravement compromises et remises en cause dans leur fondement politique par M. Shinzo ABE du fait de son refus d'assumer les responsabilités historiques, de sa négation obstinée des crimes du passé, et notamment de son recueillement, en faisant fi du sentiment des peuples victimes de l'agression japonaise, devant les criminels de guerre de classe A. Pour la Chine, rien n'est plus intolérable que ces actes, et il s'agit là d'une humiliation la plus grossière.

      Raymond BARRE, ancien Premier Ministre français, a dit : « Il faut être crédible pour être écouté ». Il en est de même pour un Etat. En tant que grande puissance économique du monde, le Japon a raison de nourrir des ambitions politiques. Mais pour assumer une plus grande responsabilité pour la paix et la sécurité du monde, le Japon se doit de commencer par gagner la confiance de la communauté internationale et surtout celle de ses pays voisins. M. Shinzo ABE et des hommes politiques japonais engagent aujourd'hui le Japon sur une voie dangereuse à l'encontre du courant de l'histoire et ne cessent de le pousser en avant. La communauté internationale a toutes les raisons de rester très vigilante devant ce dérapage.

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